jeudi 6 septembre 2007

En équilibre sur une lame de couteau.


Tout a commencé sur le forum escaladequebec.com. C’était une invitation venue d’un grand du domaine de la montagne, Charles Laliberté. Un vétéran de 48 ans.

Nous étions en plein échange sur un accident d’escalade survenu à Val David il y a deux semaines, et tentions de retirer des leçons de cet évènement malheureux qui s’est malgré tout bien terminé pour la victime.

Charles L. - Skyline! (mon pseudo sur le forum) Est-ce que tu es libre en fin de semaine pour grimper?
Luc P. – Seulement si tu m’amènes faire du big wall! (En blague)

Et bien non! Il n’a pas fait ni une ni deux, ce n’était plus une blague…

Départ à 5h30 AM de Magog. Je fournissais le transport et quelques chocolats. Voilà les seules conditions sur ton humoristique de Sir Charles pour m’amener à un endroit fabuleux pour pratiquer l’escalade multi longueurs, Cannon Cliff au New Hampshire. Notre itinéraire allait être la Witney Gilman Ridge, une voie de 6 longueurs, variant de 5.7 à 5.8 en cotation de difficulté. Cela est relativement facile comme escalade, par contre, tout le défi se situe au niveau de la technique d’assurage et la négociation avec…le vide!!! Un grand vide!!!
J’avoue avoir eu quelques palpitations à la vue de cette grande voie effilée comme un couteau. En arrivant sur place, Charles va nous inscrire sur la feuille de log « in » et me mentionne qu’il y a deux Américains et deux Québécois que nous semblons connaître qui sont avant nous. Si on se dépêchait, on risquait de dépasser les Américains pendant l’approche qu’il me disait. Cette marche d’approche commence au stationnement qui borde la 93 Sud, une sortie avant celle de Lafayette place. Ensuite, une bonne heure de marche sur la piste cyclable mais surtout dans l’immense pierrier instable au bas de la falaise.
Une fois arrivés à notre départ, les deux Américains étaient finalement déjà arrivés et s’affairaient à préparer leur matériel. Ils étaient arrivés avant nous, donc supposés commencer la voie avant nous également sauf que, après discussion avec eux, ils nous racontent que l’un deux s’était blessé légèrement dans le pierrier après avoir reçu une grosse roche sur la jambe. Expérience à prendre en approche dans un pierrier ou sur un sol instable ayant une bonne inclinaison, garder une bonne distance avec le grimpeur qui vous précède et si possible, ne pas prendre la même ligne. Charles m’avait prévenu avant de sortir de la ligne des arbres. On convient avec eux de prendre le départ avant, comme ça, les Américains pourraient adopter un rythme « molo », sans qu’on leur pousse dans le derrière à chaque relais. On aperçoit également les deux Québécois au premier relais déjà affairés à grimper. On va probablement les rejoindre à la deuxième ou troisième longueur.

La grimpe



Charles va « leader », c'est-à-dire qu’il va grimper en premier, installer les protections et les relais et moi je vais grimper en second, c'est-à-dire ramasser le matériel et m’assurer de laisser la roche libre de notre passage. Et tout les deux aurons la responsabilité d’assurer l’autre pendant son escalade. Nous appelons ça, grimper en cordée non réversible, ce qui veut dire que le premier de cordée le restera tout le long de la voie et même chose pour le second, il restera…second.
Dans le cas d’une cordée réversible, quand le second arrive au relais, il devient « leader » en continuant tout simplement sa route et installant à son tour, les protections pour la voie supérieur. L’ancien « leader » devient second qui assure son nouveau premier de cordée. C’est rapide et efficace comme cordée mais ça implique une bonne connaissance commune des techniques de poses de protections, chose que je ne maîtrise pas encore ou devrais-je dire, que je ne maîtrisais pas avant!!

C’est rendu au troisième relais que nous avons fait la connaissance du second de la cordée qui précédait, C’était Nicolas Raöul, un gars de Montréal très sympathique que nous connaissions par le forum justement. Nous avons pris le temps de s’échanger une poignée de main et il a continué d’assurer son premier qui était presque arrivé au quatrième relais. À cet endroit, la voie de la quatrième longueur est aveugle, c'est-à-dire que tu ne vois pas ton premier de cordé progresser. Je demande à Nicolas, à ce moment, comment il faisait pour savoir que son partenaire était près du relais suivant… j’ai eu ma réponse asser vite…. Chhhhh! Nicolas? Chhhhhh! 10/4 OK Relais! Auto assurée! Chhhhhh!! Compris! Tu peux avaler! Chhhhh! Ils travaillaient avec des « walkie-talkie »! Moi qui était déjà impressionné par la hauteur de notre relais, environ 250 pieds!!
WOW! Une première pour moi! Je me suis sentis petit tout à coup!

Une fois Nicolas parti rejoindre son « leader », Charles m’explique une méthode sans « walkie-talkie » pour donner les consignes à l’autre si nous sommes situés à deux points aveugles. 3 petits coups sur un brin et 3 petits coups sur l’autre brin, cela veux dire « auto assuré »! Ah! Oui! En passant, nous grimpons avec deux cordes de petit diamètre, Plus de possibilité de protection et moins de friction sur les cordes.

Il restera des anecdotes aériennes à partager aux amis qui voudront bien les entendrent, en tout cas, tout ça aura duré six longueurs de corde et relais jusqu’à l’arrivée à 510 pieds de hauteur. Un itinéraire tranchant incroyable avec comme partenaire, un mentor pour qui j’avais une certaine réserve lorsque j’étais un jeune grimpeur téméraire à 18-19 ans. Il m’impressionnait peut-être un peu trop avec sa confiance et son obsession pour la sécurité, je ne sais pas! Mais aujourd’hui, c’est une référence pour moi et des centaines d’autres.

Il est le co-fondateur et gestionnaire de l’école national d’escalade du Québec. L’ENEQ, la seule école de formation des cadres en escalade au Québec reconnue par l’UIAA, l’union internationale des associations d’alpinisme.


Charles,
Encore merci, ça été tout un honneur de partager cette sortie avec toi. N’importe quand pour une autre grimpe. Sauf que... Je vais « leader » cette fois!!